Le Goût du Monde - 1 - Balbala

Djibouti 
Superficie totale: 25 030 km²
Population totale: 810 179 hab.
Langues officielles: Français et Arabe
Indépendance de la France le 27 juin 1977

Balbala de Abdourahman Waberi 
Langue: français
Il est souvent difficile de trouver quoi que ce soit sur la littérature des petits pays d'Afrique (essentiellement parce qu'ils sont de tradition orale). En cherchant un peu plus j'aurais certainement pu trouver un obscur site Internet sur la question mais à ce stade-là de mes recherches (au tout début) je me satisfaisais des recommandations de Ann Morgan et recherchais juste un peu le sujet avant de valider mon choix. Sur Wikipédia, la liste des écrivains djiboutiens est longue de trois noms seulement! J'ai choisi Abdourahman A. Waberi car une des autres auteures, Aïcha Mohamed Robleh, est une dramaturge -je cherche initialement des romans- (même si son travail doit être très intéressant: elle a consacré un film à la question des mutilations génitales féminines: Pour une Vie sans Lame) et l'autre n'a eu aucun prix contrairement à AA. Waberi. De plus Ann Morgan et son audience le recommandaient.
Il est un écrivain et critique littéraire franco-djiboutien qui a remporté plusieurs prix comme le Prix biennal « Mandat pour la liberté » du PEN club français et le Prix collectif du Festival du Premier roman de Chambéry pour son roman Balbala publié en 2002. Il a reçu bien d'autres prix et est bien plus connu pour d'autres romans comme Aux États-Unis d'Afrique ou Cahiers Nomades mais je jetai mon dévolu sur Balbala car ce roman est devenu un classique dans le pays (les bacheliers djiboutiens peuvent tomber dessus au BAC).
__________☆ __________  
Résumé: Après la décolonisation, Djibouti, «confetti de l'Empire français», ancien comptoir pris en étau entre Éthiopie, Somalie et Érythrée, à l'embouchure de la mer Rouge, tâtonne à la recherche de son identité.À Balbala, banlieue de Djibouti, pendant la guerre civile de 1991-1993, quatre personnages vont devenir l'emblème d'une jeunesse qui incarne une nouvelle identité djiboutienne : Waïs, marathonien de renommée internationale, Yonis, le médecin, Dilleyta, fonctionnaire en rupture de ban et poète, et Anab, compagne de Yonis et sœur de Waïs. Ensemble, ils éprouveront dans leur chair les limites de la liberté.Construit comme une polyphonie, ce roman fait surgir une nouvelle conscience africaine.
__________☆ __________
J'ai plongé dans Balbala tête la première puis en suis ressortie deux pages plus tard. J'étais tellement perdue. Je ne pensais pas être dépaysée après deux pages seulement tout de même! Mon cas était-il si grave? J'ai pourtant déjà lu beaucoup de contes non-occidentaux (occidental dans le sens pays du "Nord", riche et puissant). Mais là c'est différent, Balbala est un livre contemporain. Ce qui signifie que sans connaître un minimum l'Histoire du pays mais surtout son actualité (en prenant en compte l'année d'écriture et de déroulement de l'intrigue) il est très difficile de se situer et de comprendre les motivations des personnages ou même de l'auteur.
Petit contexte culturel: Djibouti est partagé entre trois groupes "ethniques" qui s'inter-influencent: les Afars, les Arabes et les Somalis. Il est également pris en étau entre l’Éthiopie, la Somalie et l’Érythrée. L'histoire de Balbala se passe en 1991-1993 pendant la guerre civile entre deux groupes "ethniques": les Issas (faisant partie des Somalis) et les Afars. Le conflit portant sur le fait qu'après l'indépendance de Djibouti, les Issas ont pris une place importante politique et économique, or avant cela les Afars étaient favorisés. Cette guerre eut deux accords de paix, le premier en 1994 non respecté par une partie du FRUD (composé du groupe afar).

Ce livre est une mine de pierres précieuses pour mon projet, il m'a donné tout ce que je cherchais.
C'en était déstabilisant, j'apprenais à connaître ce pays inconnu de façon intime, presque intrusive, comme si un étranger dans la rue me racontait toute sa vie en détails. Et sa vie n'est pas très joyeuse pourrais-je euphémiser. J'ai appris sur Wikipédia que Balbala (et les autres tomes de la trilogie non-officielle d'Abdourahaman Waberi sur Djibouti) est le premier roman à parler de Djibouti.
Un élément flagrant est l'impact -négatif comme positif (mais surtout négatif, ne nous voilons pas la face)- que la colonisation française a eu et a encore aujourd'hui sur ce pays déchiré entre tradition et culture occidentale. "A. Waberi fait un portrait en kaléidoscope d'un pays terrassé par ses fièvres, ses famines et ses guerres", un pays minuscule qui souffre du désintéressement que le reste du monde lui voue, ainsi que de nombreux autres maux terribles dont je n'avais pas entendu parlé dans mes recherches (plutôt brèves je l'admet), comme la torture ou la répression dictatoriale. Sans blague, j'avais lu un article intitulé "Les djiboutiens, le peuple le plus heureux du monde?"! A. Waberi est, je cite le quotidien djiboutien La Nation, "le porte flambeau de la  génération de  désenchantement".
J'ai aussi appris que la composition "ethnique" de Djibouti est bien plus complexe que Afar-Somali-Arabe et que les pays limitrophes ont plus d'influence que ne laisse penser Wikipédia (quand je vous dis que je n'ai fait que de brèves recherches!). Lors de mes recherches j'étais tombée sur une vidéo faite par un Djiboutien sur son pays où ce dernier ne pointait que les bons côtés, on comprend mieux mon enchantement initial!

Maintenant, concernant la structure du roman et le style: j'ai eu beaucoup de mal avec le style d'écriture. Pour commencer, le genre de prédilection de A. Waberi est la poésie, et cela se ressent énormément! Je dirais que 85% du roman est composé de réflexion divagantes sur le pays ou des sujets aléatoires (le poète, Dieu, le marathon...) et 15% d'histoire des personnages. Ceux-ci sont à mon goût trop délaissés, je comprends qu'un auteur utilise ses personnages pour faire passer des messages mais là ce n'est plus le personnage au service du message, c'est le personnage qui fait un caméo dans son propre récit! Sérieusement, le récit est composé comme une polyphonie en quatre parties portant chacune sur un membre du "quatuor subversif" et aucun de ces personnages n'a de personnalité bien développée! Waïs est l'athlète, Dilleyta le poète, Yonis le médecin et Anab la femme sublime qui sort avec le docteur et c'est tout ce qui les différencie! Ils ont tous la même personnalité (celle de l'auteur?), peut-être sont-ils censés représenter la jeunesse africaine mais à mon humble avis cela aurait été plus fort avec quatre personnages complètement différents qui se rejoignent dans la quête d'une nouvelle identité djiboutienne. Bon, j'ai compris, ce roman n'a pas pour vocation de suivre une aventure palpitante, c'est un essai sur l'identité djiboutienne. Pour en revenir au style, je n'aime pas du tout. Déjà A. Waberi utilise beaucoup de beaux mots ("compliqués") mais mal. Il m'arrivait de ne pas comprendre une phrase et de chercher la définition d'un de ces mots au cas où je me trompais sur le sens, mais non, c'est juste qu'ils étaient mal utilisés, pour faire joli si je puis dire. Puis, je peux apprécier la poésie mais là, à l'avenant des mots utilisés pour faire joli, les 85% du récit dont je parlais sont de jolies phrases jetées hors de contexte et hors sujet! Elles ne font aucun sens avec le fil de l'histoire mais ça fait joli alors on les inclut, même si elles ne sont même pas bien construites par moments ("Le luxe des souvenirs, inabordable pour les porteurs de crâne d'aujourd'hui." ... où est le verbe?). Je crois que cette tendance s'atténue vers la fin du roman mais au début j'étais vraiment perdue, je  n'arrêtais pas de me demander si c'était cela la littérature djiboutienne ou si ce style si particulier était uniquement le fait de cet auteur en particulier.
Ensuite, il n'y a pas de vraie fin. Le roman aurait pu s'arrêter à n'importe quel moment avant et cela aurait eu le même effet. Il n'y a aucune conclusion.

Donc en conclusion: ce roman a une très mauvaise narration mais il m'a beaucoup appris sur le pays. Répond-t-il à mes critères? Je ne sais pas, car même si j'ai l'impression de mieux connaître le pays, je le connais uniquement sous ses mauvais côtés à cause de la vocation désenchanteresse du roman.

Aussi, j'ai un dernier minuscule problème à pointer: sur 200 pages et 4 parties mon édition n'est pas fichue de rester consistante. Pourquoi la mise en page change?

Commentaires

  1. Il a reçu le Prix biennal « Mandat pour la liberté » du PEN club français... wait... le Pen club mdrr. Bon c'est juste mon humour pourri désolée. Pour avoir eu la primeur de lecture de certaines phrases autant te dire : bravo tu l'as lu ! Victoire !
    Ce serait intéressant de savoir si les autres auteurs écrivent aussi bizarrement.
    D'ailleurs la mise en page changeante c'est un choix esthétique tu crois ?
    J'espère que les autres pays seront plus cool à lire.
    Rhobizou

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Franchement je ne pense pas que ce soit un choix esthétique haha Je suis quand même contente de l'avoir lu :)

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés